Carte Blanche - Pour que la santé mentale soit au programme des écoles

Aller à l'école, étudier. Rester assis docilement pendant des heures, écouter, lire, comprendre et noter. Être évalué, devoir performer 🏃 Le cadre proposé par le système scolaire est encore trop rigide. Mais ce qu'on ne pointe pas souvent, c'est le peu d'attention mis par l'école, les institutions sur la santé mentale des élèves. Pourquoi ne fait-elle pas partie du programme ?

Souvent perçue comme un lieu d'apprentissage, de développement personnel et d'épanouissement, l'école m'a toujours été vendue comme le meilleur des mondes. On m'a sans cesse répété : "J'aimerais tellement retourner à l'école et en profiter à nouveau !

Pourtant, de plus en plus d'élèves autour de moi cèdent à la pression de cet environnement anxiogène et compétitif. De cette pression découle un stress insoutenable qui se traduit en problèmes de santé plus ou moins graves.

J'en suis témoin tous les jours et j'ai fait partie de ces jeunes.À mes 15 ans, j'ai vécu un burnout suite à la quantité excessive de travail que j'ai dû fournir alors qu'étudier n'était pas un problème auparavant.L'année suivante, la dépression m'a rattrapé, et il m'est devenu impossible de travailler.

J'étais devenu un corps sans esprit, mon attention était captivée par les émotions négatives et les pensées sombres.

En guise de soutien et d'aide,  j'ai eu droit à : "Melih, si tu ne travailles pas, tu vas rater ton année, tu vas finir chômeur".

Les facilités que j'ai à l’école m'ont permis de sauver mes examens de justesse, mais en rhéto, ce n'était pas (ou plus) suffisant.L'anxiété de ne pas avoir d'objectifs précis pour l'année suivante, la pression de l'entourage et des professeurs et les remarques des élèves m'ont mené tout droit à une deuxième dépression qui a failli mal se terminer.J'étais au fond du gouffre et comme si ça ne suffisait pas, j'ai eu droit à ma dose de maladies liées directement à un stress généralisé.

Mon école a tellement négligé la santé mentale des élèves que j'ai passé deux années à ignorer l'existence d'un CPMS (centre psycho-médico-social, ndlr) dans l'établissement.La communication désastreuse était à l'image du CPMS : illégitime et n'ayant pas les qualifications nécessaires pour m'aider.Le décrochage scolaire m'a permis d'avoir le temps de faire des recherches, de voir des spécialistes et surtout, de trouver des réponses que l'école ne m'a pas aidé à trouver.

Certes j'ai raté ma dernière année de secondaire, mais je suis heureux d'avoir investi ce temps pour améliorer ma santé physique et mentale.Ça m'a permis de me retrouver et surtout de réaliser qu'il y a des choses bien plus importantes que les cours, mais je vois encore beaucoup de jeunes qui souffrent et je trouve que ce n'est pas juste d'être laissé à l'abandon avec sa douleur.

Le système actuel belge vise à promouvoir l'éducation et la réussite des élèves.Pourtant les écoles continuent à privilégier les résultats académiques au détriment de l'apprentissage et de l'amélioration des élèves, et elles négligent par ailleurs l’aspect psychologique de l'aboutissement.

Il est urgent de reconnaître qu'il existe une hiérarchie métabolique à respecter afin de promouvoir la réussite. Les systèmes cérébraux reptilien et limbique qui gèrent les émotions et qui ont la priorité sur le cortex cérébral, empêchent en cas de nécessité le bon fonctionnement de ce dernier et de l'apprentissage afin que le problème soit résolu au plus vite. L'instruction, la formation n'est donc pas la priorité d'un élève souffrant mentalement.

À l'école, nous sommes très peu informés quant à ce qui est possible de mettre en place afin d'améliorer notre bien-être physique et mental. Est-ce normal de n'avoir aucune communication explicite à propos de l'existence d'un Centre PMS ? Est-ce normal de passer des mois à faire des démarches administratives pour justifier sa situation ? Est-ce normal d'être jugé responsable de son mal-être ?  Est-ce normal de devoir agir seul ?

J'aspire à susciter une prise de conscience collective et à inciter les décideurs politiques, les éducateurs et les parents à repenser le système scolaire belge.

Il est temps de prioriser la santé mentale des élèves et de leur donner la possibilité de grandir dans un environnement éducatif où le stress et la pression ne sont pas des obstacles, mais des défis surmontables qui favorisent leur épanouissement personnel et professionnel.

Melih Mehmed
1/6/2023

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