Avec MEGA BBL, Theodora célèbre un amour moderne et réaliste : pluriel, imparfait et profondément intime. En dédiant sa réussite « à toutes les filles noires un peu bizarres », elle affirme sa singularité et donne voix à une génération qui cherche à aimer librement, malgré les normes.
Avec MEGA BBL, version augmentée de sa mixtape qui a déjà bien tourné ces derniers mois, Theodora affirme un peu plus encore son univers hybride, à la croisée du rap, du R&B, et des musiques diasporiques. À travers des sons tantôt dansants, tantôt mélancoliques, elle explore un thème central : l’amour. Mais pas l’amour lisse ou idéalisé. Theodora chante l’amour sous toutes ses formes, celui qu’on porte à son corps, à ses proches, à soi-même, ou même à celleux qui nous ont blessé·es.
« Je l’ai fait pour toutes les filles noires un peu bizarres »
Le 30 mai dernier, en recevant la Flamme de la Révélation de l’année, Theodora a dédié son prix « à toutes les filles noires un peu bizarres ». Cette phrase, prononcée avec émotion, en dit long sur son engagement. Dans une industrie souvent dominée par des normes blanches et des représentations homogènes des femmes, elle trace une voie alternative. Elle incarne la « boss lady », celle qui s’affirme, s’impose, sans compromis. Et dans MEGA BBL, cette attitude se traduit en un hymne à l’amour : danser, pleurer, briller, mais surtout aimer, sans retenue.
Dans un morceau plus intime – PAPA<3 – Theodora rend hommage à son père. Un homme qui a cumulé deux jobs pour subvenir aux besoins de sa famille. Mais au-delà du lien père-fille, ce morceau agit comme un miroir tendu à toute une génération d’enfants issu·es de l’immigration. De la Grèce à Saint-Denis, elle retrace un parcours migratoire que beaucoup (re)connaissent : des kilomètres parcourus, des papiers à obtenir, des rêves reportés. Ce n’est pas juste son histoire, c’est celle de tant de familles. Elle évoque ces trajets en voiture, ces fragments de vie gravés dans le bruit du moteur. Son père, qui a obtenu son diplôme de médecin à 43 ans, est une figure d’inspiration. Il lui a appris qu’il n’est jamais trop tard pour oser. À travers lui, elle célèbre l’amour inconditionnel qu’on peut ressentir pour un parent, un·e proche, un·e mentor. Un amour fait d’admiration et de transmission.
Après cet hommage familial, Theodora change de registre, mais reste dans celui de l’intime en explorant une autre forme d’amour : celui de soi, pour soi. Le hit viral qui a explosé sur TikTok – Kongolese sous BBL – parle de corps, de désir et d’acceptation. Le titre fait référence à la fameuse chirurgie du « Brazilian Butt Lift », symbole d’un idéal de beauté imposé. Mais Theodora retourne cette référence : elle le chante en célébrant son corps tel qu’il est, sans artifices. Bien qu’elle chante “et mes gros seins me font souvent mal au cou”, elle affirme ne pas avoir “de si grosses fesses ou seins” – mais peu importe. Ce morceau devient un hymne d’appropriation : il appartient à toustes celleux qui veulent s’accepter sans chercher à correspondre à une norme. C’est une déclaration d’amour au corps, libérée des diktats.
Enfin, l’artiste aborde une facette plus douloureuse de l’amour, celle qui blesse et épuise. “J’ai mal fait, mais j’ai fait au mieux.” Dans Bad Boy Lacked, Theodora aborde l’amour douloureux, celui qui blesse malgré les bonnes intentions. Elle y décrit une relation déséquilibrée, où elle a tout donné sans jamais recevoir. L’autre ment, souffle le chaud et le froid, jusqu’à l’usure. “J’ai déjà pris ma claque sur les deux de mes joues.” Avec pudeur, elle raconte la douleur de s’être oubliée pour aimer quelqu’un qui ne le méritait pas. Elle évoque la confusion, l’attente, le sentiment d’être manipulée. Elle admet avoir fermé les yeux pour ne pas affronter la réalité. Et pourtant, même dans cette déception, elle reste entière. “J’avais mis toute l’eau dans mon verre… C’est tes mensonges qui lui donnent ce goût amer.” C’est le morceau de la désillusion, mais aussi celui de la lucidité retrouvée. Elle ne cache pas ses failles : elle les transforme en force.
Ce que MEGA BBL révèle, au fond, c’est une manière très actuelle de parler d’amour. Un amour éclaté, pluriel, contradictoire. Celui qui ne se limite pas à la romance idéalisée, mais qui traverse le corps, la famille, l’identité. Chez Theodora, l’amour est politique, intime, vibrant et il ressemble à ce que vivent beaucoup de jeunes aujourd’hui.
On grandit dans un monde rempli de contradictions : hyperconnexion, solitude, surreprésentation de corps dits parfaits , instabilité affective. Alors aimer devient un exercice d’équilibre. Aimer ses formes malgré les normes, aimer ses proches malgré les non-dits, aimer même quand ça fait mal, aimer sans se perdre. C’est là que MEGA BBL touche juste : il ne prétend pas que l’amour peut tout guérir. Il le montre tel qu’il est : imparfait, fragile, mais essentiel.
Et si MEGA BBL est autant écouté, c’est parce que Theodora dit tout haut ce que beaucoup ressentent en silence : que l’amour est compliqué, mais essentiel. Et qu’il faut le vivre à sa manière, sans demander la permission. À seulement 21 ans, l’artiste parle à une génération qui se cherche, qui doute, mais qui essaie quand même.