Née à Kinshasa et arrivée il y a 2 ans à peine sur le territoire belge, Mouna Kabadi écrit sur ce pays «trop riche pour être libre, trop beau pour qu’on le laisse en paix ». À près de 9000km de chez soi et à 18 ans à peine, que ressent-on face à l’injustice, aux crimes impunis et aux langues arrachées ? La sienne, elle se refuse à la laisser dans sa poche. Elle donne de la voix. Celle d’un peuple. Celle de la liberté. Celle de sa terre, le Congo.
Vous attendez que je vous parle du sang,
De ce massacre qu’on a appris à ignorer,
De cette terre qui crie,
Mais qu’on a bâillonnée sous des promesses creuses.
Ce pays qui m’a vu naître, rire, pleurer, aimer,
Ce pays trop riche pour être libre,
Trop beau pour qu’on le laisse en paix.
Mais pas ce soir...
Mon cœur est saturé de peine,
Mais qu’à cela ne tienne, on ne baissera jamais la voix.
Car si on s’arrête, on se réveillera un matin
Et l’Est ne sera plus aussi loin,
Le Sud sera pendu au Nord comme une corde au cou d’un condamné.
Les coupables paieront.
Ils ne sont jamais loin,
Leurs visages changent, leurs crimes restent.
Ils nous ont donné une indépendance en carton,
Puis ont fait taire ceux qui voulaient lui donner un sens.
On leur a arraché la langue,
On les a livrés à la nuit,
Et pour que leurs ombres ne reviennent jamais,
On a fait disparaître jusqu’à leurs os.
Mais on n’efface pas une voix qui a su réveiller un peuple,
On ne dissout pas un rêve dans l’acide.
Même dispersé aux quatre vents,
Un idéal finit toujours par refleurir.
Ils ont acheté nos dirigeants à coups de promesses,
Saboté nos écoles pour que l’on ne comprenne jamais
Que nous sommes les esclaves d’un empire sans chaînes.
Regarde-les, ces gardiens de la paix,
Ces chouettes à double visage,
Le jour, elles jouent aux sages,
La nuit, elles chassent et se partagent les dépouilles.
Ils créent le chaos et s’étonnent de la guerre,
Ils tuent et pleurent sur les tombes,
Ils volent et nous accusent d’être pauvres.
Mais l’aube viendra,
Même si elle doit naître dans les flammes.
Et ce jour-là
Nous n’aurons plus besoin de boussole,
Car nous saurons enfin où se lève notre liberté.